Jeudi20/Vendredi 21 Mai : L’arrivée à Guimarães s’est donc faite un peu plus tard que prévu. Mais nous étions entiers. Et la Duster aussi. Que demander de plus? MANGER ! me suppliait l’animal à quatre pattes. Il faut reconnaitre que son rythme du soir n’a été que très peu respecté. Du coup, fissa de se dépêcher pour le nourrir, le sortir et s’installer. Sauf que
1) l’hôtel ne dispose que de 4 places de parking, sur la route, juste devant l’hôtel (prises bien sur!) 2) on me taxe d’un supplément de 15 euros pour Petit prince qui n’en pouvait plus et le faisait bien sentir!
La journée aura décidément été un peu trop lourde à vivre pour tous les deux. Ca sent l’écurie comme on dit et pourtant, il me reste encore quelques 60 petits kilomètres avant Vila Nova de Gaia, notre destination quasi finale, prévue demain vendredi vers 15 heures. Il nous faut encore mordre un peu sur notre chique mon Doudou.
« Passo a passo », » Tudo vai dar certo », bref je n’en finissais pas de me remémorer des mantras pour tenir encore un peu. Juste un peu et arriver à bon port.
Avant toute chose: décharger le strict minimum pour Snoop et chercher un parking sécurisé vu que la Duster déborde de mes valises et autres affaires nécessaires pour les 7 mois à venir. Aucune envie de tout vider mais je savais que je passerais une mauvaise nuit si je ne mettais pas la voiture en sécurité et le parking renseigné par l’hôtelier ne me disait rien de bon. Une heure à tourner pour trouver l’endroit idéal, je vous dis pas les manœuvres et l’énervement en interne. Mais bon, la Duster bien garée, nous pouvions enfin aller faire un tour en ville et trouver quelque chose de correct à manger. J’ai pas dû bien chercher, je n’ai rien trouvé à mon goût et encore moins une place où Snoopy était accepté. Ce sera un constat permanent au Portugal; les chiens ne sont acceptés quasi nulle part, restaurants, cafés, plages, magasins. Interdiction d’entrer avec eux sauf si vous les portez dans vos bras. Les 24 kilos bien faits de Petit Prince m’ont vite découragée et obligée à trouver d’autres solutions.
Du coup, oui vous avez bien deviné le menu: olives-boite de sardines- et c’est la fête: un bon morceau de fromage de brebis.
Heureusement que les galettes reçues au départ (je n’ai jamais pu me souvenir si elles avaient été faites par Marie Louise ou Francine? J’opte donc pour un cadeau commun) ont agrémenté quelque peu ce frugal repas.
Vous avais-je dit que sur la route, entre Tours et Lahonce, lors d’une pause café sur une aire d’autoroute, j’ai offert deux de ces excellentes galettes à un sympathique couple de parisiens en partance pour la Dune du Pilat ? Et bien voilà c’est fait ! Et je culpabilise un peu aujourd’hui, car je n’ai pas toujours pas envoyé la photo officialisant cette rencontre qui m’a réellement fait plaisir. La solitude ne m’a jamais dérangée, vraiment, mais ce type de rencontre vous replace de suite dans le contact avec « vos semblables » et si vous acceptez d’ouvrir les yeux et de dire le premier mot, alors vous prenez conscience que votre chemin vous mène inévitablement à la découverte de l’Autre, à l’échange et au partage. En moins d’une demi heure, nous avions parlé de nos proches, de nos voyages, de nos enfants, du Portugal qu’ Alain ( c’est le prénom du monsieur) avait déjà découvert avec sa moto jusqu’en … Algarve.
J’ai de suite pensé qu’il fallait que je raconte tout cela à qui de droit pour lui donner des idées ! Je leur ai partagé mon plaisir à découvrir les promenades en SIDE-CAR mais, qu’aller jusqu’au sud du Portugal ça risquait de faire un peu long. Trop fun ces rencontres qui pour moi ne relèvent pas du hasard. Un mot suffit parfois à dénouer une situation tendue, à créer le contact et à reprendre la route, le cœur un peu plus léger.
Revenons à cette étape de Guimarães où, après ce repas frugal à l’hôtel IBIS en plein centre ville (ne pas trop s’en souvenir car c’est d’un banal même si le personnel est sympa : la nuit pour un chien revient quand même à moitié prix que pour l’humain, y a pas de parking et en plus ah oui j’oubliais: le vin servi est vraiment…à oublier lui aussi ! Juste que j’avais demandé une chambre au calme et ça c’était ok! ) une douche chaude, une pomme et oups au lit!
Demain ce sera ma dernière ligne droite avant un séjour à Porto et une reprise de la route quelques jours plus tard pour l’Algarve, enfin !
Le vendredi 21 après avoir nourri la bête et fait le tour du pâté ( et pas l’inverse) nous sommes montés jusqu’au château de Guimarães. Je vous livre quelques photos d’un patrimoine bien sauvegardé, il faudrait encore visiter le château des Ducs de Braga qui demanderait plus d’une heure trente de visite, l’une des nombreuses églises et monastères qui se dressent fièrement dans le berceau du Portugal. C ‘est bien pour cela que cette étape comptait à mes yeux. Son centre historique est inscrit au patrimoine de l’Unesco et je voulais flâner dans les pierres du Château considéré comme l’une des 7 merveilles du pays. Aller au Largo de Oliveira et entrer dans l’église de Nossa Senhora da Oliveira. Aller voir l’inscription « Aqui nasceu Portugal” (Ici est né le Portugal) après les événements politiques et militaires de 1128 qui mèneront ce pays vers son indépendance et donnera le Portugal uni, tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Visite donc plus rapide que prévu du Château (sans Snoopy resté sagement à l’ombre dans la Duster fenêtres ouvertes et bol d’eau bien rempli) et petit tour du quartier avant de revenir, accompagnée cette fois de mon fidèle compagnon, en centre ville et plus précisément sur la jolie “ Praca de Sao Tiago”. Là où St Jacques (encore lui) aurait déposé une image au centre de cette place.
Je n’y ai pas vu de vierges, ni de photos mais je peux vous dire que c’est là, pour la première fois depuis le départ de Belgique, que le cafard m’a prise. En traître.
Il m’est tombé dessus, au plein milieu de la petite terrasse où je m’étais assise au ” Paraxut” , un restaurant fort sympathique au demeurant. J’avais commandé une salade de poulpe et un verre de bon vin rouge. Suivi d’un petit café. Tout ce que j’aime quand je viens au Portugal.
Snoop ,couché à mes pieds avait auparavant su captiver l’attention d’une jeune femme ( il sait y faire en matière de drague!) à la table d’a coté. Un morceau de pain entre les deux pattes de devant (mon chien , pas la dame!) il était calme.
Et puis soudainement, une petite voix s’élance du fond de ma petite tête pour me balancer sans prévenir :
–“Mais que fais-tu là? Fais le chemin en sens inverse. C ‘est trop dur. La conduite en solo, les nuits d’hôtel, les valises que tu charges, que tu décharges, les sms et les appels échangés avec celles et ceux qui te suivent et que tu aimes, restés au pays. Ton rêve ne va-t-il pas te couter un peu cher ???? “
Oups…
C ‘est alors que tu te sens, petite, si petite et si perdue. Tu regardes ton verre à moitié plein, tes mains, ton sac, ton chien. Et c’est le vide moral.
Et puis, dans ton cœur, une autre voix que tu commences à bien connaître, te dit de ne pas rebrousser chemin. Alors, tes yeux partent vers le ciel et te montrent les oiseaux en plein vol épris de liberté. Et tu te sens sourire. Sourire à cette nouvelle Vie que tu t’es choisie.
« Le doute est un état mental désagréable, mais la certitude est ridicule. »
(Voltaire).
J’ai ensuite pensé aux grands aventuriers. Les “vrais” comme je dis. Celles et ceux qui défient l’espace, le temps, les océans, la faim, la soif, la chaleur, le froid, la peur. Tous ceux et toutes celles qui osent aller jusqu’au bout de leurs rêves et de leurs propres défis.
Le mien est rikiki, minuscule au regard de tous ceux-là. Mais, c’est en réalité MON chemin que je m’autorise à tracer. Et je comprends qu’il m’était nécessaire de faire une coupure avec l’avant pour mieux vivre le présent et envisager sereinement ce que sera demain.
Je sais que beaucoup me jugent. Dois-je parler de jalousie? D’envie, de raillerie? Peu me comprennent et ils sont encore moins nombreux à accepter mes choix. Ce sont, sans aucun doute, ces esprits chagrins qui me blessent réellement.
Je le regrette d’autant plus que l’absence peut faire tellement de dégâts si, d’un côté comme de l’autre, il n’y a personne pour entretenir la petite lumière qui brille dans les ténèbres.
Parfois je me dis que le risque est là. Perdre en route celles et ceux à qui j’ai donné sans compter et que j’aime du plus profond de mon être. Et puis je me souviens de ce que j’ai écrit pour ma première petite- fille dans une lettre que je lui lirai lorsqu’elle sera en âge de comprendre. “ Tu n’as qu’une vie et c’est la tienne. Ne remets jamais ton bonheur dans les mains de l’Autre. Ce qui ne doit pas t’empêcher de composer avec l’Autre. La nuance est de taille et c’est beaucoup plus enrichissant.” Et cette phrase sans pomperie est de moi. Sa Nanou.
J’espère un jour en reparler avec elle. En attendant ? Et bien, j’ai repris force et vigueur pour me persuader que rien n’est jamais définitif. Lorsqu’il reste une étincelle d’amour, d’ouverture d’esprit, de compréhension et de respect, TOUT absolument TOUT reste du domaine du possible.
Snoopy en profitait pour inspecter chaque centimètres de l’aire d’autoroute, sait on jamais… Mon doudou!