« Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil »

J’ai, à plusieurs reprises, fredonné cette chanson de Charles Aznavour sur la route me conduisant jusqu’ici. Sans doute que parce que comme lui, lorsqu’il a écrit cette chanson en 1967, je rêvais d’un ailleurs, j’aspirais à crever la bulle de la routine grisâtre et froide d’un pays devenu trop petit pour moi. Sortir de ma zone de confort et, à l’image des marins, prendre la mer pour un monde plus instable, plus risqué, plus audacieux mais plus vivant à mes yeux.

Tirée de l’album  » Entre deux rêves » cette chanson me rappelle aussi que si oui, le soleil adoucit bien des choses il ne peut cacher la misère. Une misère qui existe partout. Ici le soleil a beau luire avec ses 38/40 degrés cet été et ses 20 en  » hiver », le Portugal reste parmi les pays d’Europe ou le salaire minimum n’atteint même pas les 800 euros/mois. Du coup, aider les plus démunis y a aussi tout son sens.

S’ il existe plusieurs associations y compris via les Cameras, Juntas e Freguesias, il existe aussi en parallèle tout un monde bien actif composé de bénévoles. A Portimao, Rua de Sao José tout près du Doka’s Bar où je vais, c’est avec l’aide de l’International Christian Fellowschip Church of Portimao, que cette aide a pu voir le jour. Kitchen Soup (K. S) tient le coup par la volonté et le dynamisme de Joy Borgan depuis mai 2010, mais qui, sans l’aide de bénévoles ne saurait pas assurer la permanence trois fois par semaine.

Parmi eux, de nombreuses femmes et aussi quelques hommes pour assurer le nettoyage des légumes souvent frais pour le potage, la cuisson des plats et la préparation des sandwiches fromage/jambon. Au fourneau, très souvent c’est le jeune Alex , toujours jovial qui officie. Alex concocte les menus avec les dons reçus des surplus des magasins et pour la première fois cette année, de la banque alimentaire du Portugal. Au total, pas moins de 40 bénévoles se relaient en fonction de leurs agendas ( tous ne sont pas retraités ou en vacances) et de leurs disponibilités pour prester une, deux parfois trois ou quatre heures au jour convenu. Une fois par mois, KS reçoit aussi du sucre, des pates, du lait ( fort demandé par tous les bénéficiaires) et du riz, un ingrédient de base dans la cuisine portugaise.

Kitchen Soup ? Un point de ralliement au succès qui ne fait qu’augmenter!

K.S est donc devenu l’un de mes rendez-vous hebdomadaires depuis juillet dernier, même si, oui j’avoue, j’ai manqué à la fin 2021 et en ce début 2022. Je me devais d’y retourner. C ‘est ce que nous avons fait jeudi dernier avec Anne Marie (La petite française-portugaise ou devrais-je dire portugaise-française??? rencontrée à K.S et d’où est partie notre amitiés) mais, comment dire, l’accueil ce jour là nous a laissées un rien surprises. Pourquoi ?

Allez savoir ! Peut-être simplement parce que ce bénévolat est composé en majorité d’expatriés venus d’Angleterre, de France ( très très très peu et je suis la seule Belge), d’Allemands, d’Irlandais, d’Ecossais, d’Indiens, de Brésiliens, de Danois…

Bref, on y parle surtout anglais. Et que, parfois, et bien vous revenez après une longue absence et vous vous sentez un rien « étranger » parmi les étrangers. Vous lancez un « BONJOUR, on peut aide? » Et ça sonne plus dans ce brouhaha anglophone. Du coup, c’est en tout cas ce que nous avons ressenti, nous sommes reparties faire les boutiques!

Mais je voulais en ce 06 février; rien n’est question de hasard, hein Papa, je voulais donc effacer les mauvais souvenirs et me redonner de bonnes et belles bases. Pour me créer de nouveaux beaux souvenirs des endroits où j’ai eu disons, « un peu mal aux tripes et aux émotions ». Aujourd’hui, Retour donc à K.S et puis on repassera à la plage de Ferragudo.

Mais d’abord le travail: plus de 160 repas complets assurés ce dimanches, 320 sandwiches, des fruits, des yoghourts, des douceurs ont ainsi été distribuées aux personnes de Portimao qui sont dans le besoin.

 » Ce nombre ne fait qu’augmenter, m’a confié Joy Borgan, la responsable et fondatrice de K.S. En 2020 ,nous avions offert 60 lunch paquets par SEMAINE. Aujourd’hui, dix ans plus tard, nous en sommes à 160 et ce TROIS fois semaine ! »

C ‘est dire si la demande est bien réelle. Et je me sens utile là bas même à beurrer et garnir plus de 300 sandwichs, balayer la cuisine ou mettre la nourriture en paquet. A chaque fois aussi nous installons sur des tables à portée des bénéficiaires, les restes des provisions non utilisées arrivées à date de consommation. Des fruits, des boissons, des patisseries. Parfois, mais c’est rare, la demande est plus grande que ce que nous avons préparé, il faut alors improviser un colis de dernière minute. Mais jamais, un bénéficiaire ne repart les mains vides. Et c’est impressionnant de voir que parfois, une heure avant l’ouverture des portes, ils sont déjà dans l’allée à prendre leur place afin d’être servis et de repartir avec le lunch paquet du jour.

Proposer ce service dans ma commune à Lagoa. Et pourquoi pas un  » Moules frites » au 21 juillet?

Déjà l’an dernier, j’avais pensé à proposer dans ma commune, Lagoa, ce type d’aide avec si possible, un certain « controle » quant aux bénéficiaires qui peuvent recevoir les lunchs paquets. Je pense aussi que nous pourrions inciter les bénéficiaires à tour de rôle, à prendre une place dans la préparation et la distribution des repas. N’ayons pas encore de fausse pudeur. Les gens qui vivent dans la rue, qui ont besoin d’aide extérieure, se connaissent entre eux. Alors, expliquez moi où faut il y voir une gêne que de les inciter à mettre la main à la pâte à tour de rôle, avec l’équipe de bénévoles et ce, avant de bénéficier de l’aide apportée? J’adopte à 100% la citation de Confucius  » Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson« .

Je m’interroge aussi quant à la manière de distribuer les lunchs paquets.

– « Ici, m’explique Joy, nous ne contrôlons pas qui y a droit ou pas. tout comme le nombre de lunchs paquets emportés par jour. Certains ont des enfants , une grande famille à nourrir. On fait confiance. » Certs et elle a sans nul doute plus d’expériences que moi. Mais, pourquoi ne pas instaurer le système du sac réutilisable, même sponsorisé par une firme de la commune et des pots pour emporter la nourriture. qu’il faudrait bien sur rapporter la fois d’après. Je sais: cela demande une organisation et une gestion des stocks mais nous économiserions sur les frais d’emballage et l’environnement serait un peu plus préservé, non? ?

Et pourquoi pas? oui, de tout cela je vais aller rediscuter avec l’équipe communale en place ( ce sera facile c’est quasiment la même qu’avant les élections communales de septembre dernier) et voir si cela a des chances de déboucher sur du concret.

Et qui sait? Proposer un « Moules frites à la belgo portugaise » le 21 juillet. Avec ou sans la mousse au chocolat belge? On a encore un peu de temps pour y réfléchir.

Retour on the beach!

Ce dimanche aura donc été un retour pour mieux repartir. Je m’explique. Le retour à KS s’est fait dans la bonne humeur et m’a renforcée dans mes projets de construire le même type d’entraide ici à Lagoa. c ‘est en pensant à tout cela que je suis repassée de Portimao vers la plage de Ferragudo. Pour tout vous dire, il y a deux mois jour pour jour, j’y avais vécu un mauvais moment; celui où vous présentez que le vent a tourné dans votre relation amoureuse, où les larmes font place aux rires et ou l’incompréhension remplace la connivence et la joie d’être ensemble. Bref, je me devais de revenir à Ferragudo, seule et l’esprit apaisé, tourné vers un nouveau futur. Et j’en suis heureuse.

Ferragudo est l’une de mes plages préférées. Juste en face de la Marina de Portimao, que l’on peut d’ailleurs rejoindre en bateau, elle me semble comme  » soumise » aux caprices et aux forces de la rivière Arade qui se jette plus loin dans l’Océan. Et, lorsque la marée monte, si vous ne voulez pas devoir remonter par l’intérieur des terres, faites vite marche-arrière si vous venez du petit port où par ailleurs vous avez quelques chouettes restaurants. Levez les yeux et admirez le fort de São João do Arade. Le fort, connu aussi sous l’appellation Chateau de Sao José d’Arade est établi entre deux plages, Praia da Angrinha et Praia Grande et a été construit au 17ème siècle pour protéger Portimão contre les attaques de pirates. Le bâtiment a ensuite été restauré par un poète Portugais, Coelho de Carvalho. Aujourd’hui, le fort domine toujours la plage mais il n’y a plus de pirates en vue. De là haut, ca devait pourtant valoir le détour, malheureusement pour nous, cette fortification médiévale appartient désormais à un privé qui se garde jalousement ce privilège. Un seul canon visible, pointé sur l’entrée du port veille encore sur l’imposant édifice ; Et si le canon n’a plus retentit depuis belle lurette, ne soyez pas dupes. Aujourd’hui, des fils barbelés, des caméras et tout un impressionnant dispositif de sécurité le rendent quasiment impossible à prendre. Dommage, j’aurais aimé me promener sur le chemin de ronde et voir de tout là haut , ce qui se passait en bas!

C’est pourtant les cheveux au vent et les pieds dans l’eau que la journée s’est achevée. Sans oublier de profiter de la superbe terrasse du Club Nau, où, soit dit en passant, j’y installerais bien mon bureau! Tout cela a rendu ma journée riche de petits plaisirs à ne plus oublier. Et m’a offert quelques bons souvenirs cette fois à garder bien au chaud. Décidément, Ferragudo , tu me reverras.